UFC-QUE CHOISIR DU DOUBS - T.BELFORT

Environnement / Energie

Contreverse : le compteur électrique Linky

Le compteur électrique Linky, dont l’installation chez les particuliers a commencé en 2015, suscite craintes et polémiques. Entre l’intérêt des consommateurs passablement oublié, les rumeurs de risque sanitaire ou celles sur la possibilité de le refuser, l’UFC-Que Choisir démêle le vrai du faux.

  Linky, un rouage essentiel de la transition énergétique ? L’argument peine à convaincre. En revanche, la manne financière promise par le déploiement du compteur communicant remplit d’espoir Enedis, la filiale d’EDF chargée de la distribution d’électricité.

L’argument fait office de massue pour Enedis : le Linky est un palier inévitable pour la réussite de la transition énergétique. Selon le distributeur d’électricité, « le changement de compteur est nécessaire pour moderniser le réseau de distribution d’électricité afin de développer le solaire, l’autoconsommation, les voitures électriques… » Cette assertion fait tousser même les moins farouches critiques du Linky. « Franchement, il n’a pas été conçu pour la transition énergétique, mais pour qu’Enedis fasse des économies de fonctionnement à Enedis », dit Marc Jedliczka, vice-président du Réseau pour la transition énergétique (Cler).

Du côté d’Enedis, on valorise la capacité du Linky à prendre en compte « les nouveaux moyens de production locaux », tels que les panneaux solaires, pour « intégrer en masse les énergies renouvelables ». « Ces compteurs vont être capables de gérer des offres plus complexes de la part des fournisseurs », assure la filiale d’EDF. D’autant qu’il permet de faire des économies pour les usagers favorisant les énergies renouvelables : « Avant, le coût d’un raccordement pour des panneaux solaires, c’était en moyenne 600 euros. Le Linky sait compter la consommation et la production. Son fonctionnement permet d’éviter cette dépense. »

Mais la logique d’Enedis ne convainc pas les experts de la question. « Il faut rappeler que le Linky a été lancé par l’étude Capgemini de 2008, qui montre bien que la solution retenue à l’époque était celle d’un réseau exclusivement de distribution », explique Marc Jedliczka, évoquant l’étude qui a marqué le début du déploiement des compteurs Linky. « Si Enedis voulait prouver son engagement en faveur de la transition énergétique, il lui faudrait améliorer la manière d’évaluer la capacité de distribution des réseaux photovoltaïques, notamment en perfectionnant des éléments techniques tels que le réglage des prises statiques, des transformateurs assurant le passage de la haute tension à la basse tension… En apportant des informations constructives sur la fonction et le type des câbles utilisés… »

« Il y a derrière cette logique un discours d’encouragement à la consommation, à accumuler des objets connectés » 

Autre point soulevé, l’obsolescence des nouveaux appareils reste une pomme de discorde : « C’est quand même 35 millions de compteurs en état de marche qu’on jette ! s’indigne Stéphane Lhomme, conseiller municipal opposé au compteur, des machines qui peuvent durer plus de 70 ans, qui tournent encore comme des horloges, il y a la date dessus, on voit bien. Les remplacer par des millions de compteurs qui coûtent d’immenses quantités d’énergie et de matière est l’un des pires scandales de l’obsolescence programmée. » D’autant que la durée de vie des compteurs Linky n’est estimée qu’entre 15 et 20 ans.

L’un des avantages du Linky serait sa synchronisation aux objets connectés des foyers pour mieux en réguler la consommation. Dans le cas d’un chauffage autorégulé, il permettrait de réduire la consommation de chaleur. Mais pour les opposants cette pratique serait à contre-courant des décisions à prendre pour faciliter la transition énergétique : « Les objets connectés ne vont pas dans le sens de l’écologie : tout ce qui est connecté fait exploser les consommations d’électricité. En particulier à cause des data centers qu’ils nécessitent. RTE [Réseau de transport d’électricité] analyse qu’ils consommaient [en France] 3 térawattheure en 2015 [soit plus que la consommation annuelle de la ville de Lyon]. Il y a derrière cette logique un discours d’encouragement à la consommation, à accumuler des objets connectés. »

Parmi les arguments pour défendre son compteur, Enedis met en avant l’accès pour les usagers à des données de consommations plus détaillées et plus fréquentes, formant une « courbe de charge ». Celle-ci permettrait aux particuliers de mieux gérer leur consommation, et donc de la réduire. Premier écueil : si l’usager ne souhaite pas communiquer ses données personnelles, il perd les avantages supposés liés au compteur communicant. Car, comme le rappelait en 2010 le directeur des énergies renouvelables de l’Ademe (Agence pour l’environnement et de la maîtrise de l’énergie), « Linky, tout seul, ne fait pas faire des économies d’énergies ».

L’efficacité d’un tel système ne convainc pas la Cour des comptes 

Second écueil, la lecture des informations qui sont dispensées sur le compteur peut s’avérer difficile à mettre en pratique au quotidien, en particulier quand le boîtier se trouve sur le palier d’un appartement, dans la cave, ou à l’extérieur de la propriété. Et même quand le boîtier est situé à l’intérieur du foyer, l’efficacité d’un tel système ne convainc pas la Cour des comptes, comme elle l’a expliqué dans son rapport de février 2018 : « Le compteur lui-même ne fournit, par lecture directe, que très peu d’informations : il ne permet d’obtenir comme données de consommation que le ou les index de consommation, la puissance apparente et la puissance maximale du jour. D’autres moyens doivent donc être mis en œuvre pour disposer de données de consommation plus complètes. » Pour résoudre ce problème, Enedis avait déjà promis de tout mettre en œuvre pour « améliorer l’accès, par chaque client, à ses données de consommation, grâce à un site Internet et une application mobile gratuite. »

Une solution qui pourtant, dès 2014, ne satisfaisait pas le Médiateur national de l’énergie. Celui-ci rappelait déjà que « le dispositif Internet n’était pas suffisant pour inciter les ménages à réduire leur consommation », et préconisait en accord avec l’Ademe d’équiper les compteurs Linky d’un afficheur déporté au sein du foyer afin d’informer …
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