UFC-QUE CHOISIR DU DOUBS - T.BELFORT

Alimentation, Breves / Notes

Le macaron ne tourne pas rond

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Le macaron est l’un des plus grands succès de pâtisserie de ces 20 dernières années. Incontournable des vitrines des grands pâtissiers, il s’est démocratisé et s’invite dans les linéaires de la grande distribution. Enquête sur sa fabrication, puis test et dégustation.

Le macaron, c’est l’histoire d’une meringue importée d’Italie au XVIe siècle, devenue 400 ans plus tard cette double coque colorée fourrée d’une garniture parfumée. C’est aussi l’histoire d’un marketing bien mené par la maison Ladurée qui, à l’aube du deuxième millénaire, a fait de son macaron l’un des symboles de la gastronomie française, et un souvenir que les touristes étrangers ramènent au pays dans de luxueux coffrets cadeaux. Car 8 macarons sur 10 sont achetés pour être offerts, tels des bouquets de fleurs, et tout aussi colorés. Cette «  folie macaron » des années 2000 perdure, et tous les commerces de bouche, de la boulangerie de quartier à la grande surface, se doivent d’en proposer

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Une couleur vive, allant du bleu au rouge en passant par le jaune et le vert, telle est de plus en plus souvent la signature d’un macaron. Mais la contrepartie est problématique : ces effets sont obtenus grâce à des additifs alimentaires parfois interdits ou utilisés au-delà des doses autorisées, constate la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF).
Pour attirer l’œil du gourmand, rien ne vaut une couleur éclatante. C’est particulièrement vrai pour le macaron. Pour obtenir cet effet, les fabricants utilisent des colorants alimentaires. Or, malgré une réglementation stricte (voir encadré), « certains professionnels n’hésitent pas à jouer la surenchère dans la palette en ayant recours à un surdosage », alerte la DGCCRF.

Suite à un contrôle mené en 2017 en Nouvelle-Aquitaine sur près de 30 échantillons, « 44 % des produits présentaient des non-conformités et 22 % des prélèvements se sont même révélés impropres à la consommation en raison de forts dépassements de la quantité autorisée de colorant ».

En 2018, cette enquête a été élargie au niveau national, et « plusieurs dépassements de limites réglementaires ont déjà été constatés ». Ainsi, un certain « macaron coquelicot » détenait une très forte concentration en colorant E124 (un colorant azoïque interdit d’usage pour les macarons). « La consommation d’un seul de ces macarons pour un adulte, et d’un demi-macaron pour un enfant, suffisait pour atteindre un dépassement de la dose journalière

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  • Le macaron de masse


En vingt ans, le macaron est devenu un incontournable de la pâtisserie française. D’abord cantonné aux salons de thé et aux plateaux traiteurs, le biscuit joufflu s’est émietté dans les linéaires des grandes surfaces. Aujourd’hui, la majorité des macarons que nous ingurgitons sont des produits industriels. Même ceux proposés en boulangerie sont quasiment tous achetés surgelés, sur catalogue, auprès des groupes comme Délifrance ou Coup de pâtes.

Si l’on suit la recette traditionnelle, rien de plus simple qu’un macaron. Pour la coque, du sucre, des amandes et du blanc d’œuf. Côté fourrage , de la crème, du chocolat ou de la pâte de fruit. Mais là où l’artisan pâtissier, ou le chocolatier digne de ce nom, incorpore autant de poudre d’amandes que de sucre, la plupart des industriels forcent sur le sucrier et soupoudrent deux fois plus de saccharose que de poudre d’amandes. Un troc qui revient vingt fois moins cher !

Résultat, certains macarons sont constitués à 60 % de sucre, dont su sirop de glucose extrait du maïs. Pour palier la faible teneur en amandes, on ajoute de la farine de blé. La crème fraîche à 3,95€ le litre, elle, est souvent remplacée par un mélange de graisse végétale et d’eau du robinet, mille fois moins cher. D’où une flopée d’agents correcteurs, histoire de compenser l’absence de crème. Les macarons industriels font le plein d’émulsifiants, épaississants, séquestrants, stabilisants tensio-actifs moussants, exhausteurs de goût… et d’acidifiants afin de neutraliser les microbes qui adorent barboter dans l’eau.

Question chocolat, le « macaron de masse », comme on le nomme dans le jargon est chiche en beurre de cacao. A la place, il est fourré à la graisse de caroube, une sorte de haricot qui a vaguement le goût du chocolat. Soit un coût final divisé par dix. En prime les macarons industriels sont farcis de joyeusetés chimiques. Des arômes artificiels, mais aussi des colorants de synthèse pas toujours folichons, comme le révèle Que Choisir dans son numéro de janvier. Parmi les trouvailles de la revue, de l’acide carminique au-delà du seuil autorisé dans des macarons framboise de la chaîne de boulangerie Paul. Fâcheux, vu que le E120 est soupçonné d’être génotoxique.

Le Canard Enchaîné du 09 janvier 2019
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